jeudi 26 juillet 2012

Prix Ndjékéry de la nouvelle 2012

REGLEMENT DU PRIX N’DJEKERY DE LA NOUVELLE 2012
Article premier :
L’association Tchad Plus, avec le soutien des Editions Sao, organise un concours de nouvelles à thème libre.
Chaque participant devra se porter garant de l’originalité de la nouvelle qu’il adressera aux organisateurs du concours. Il devra, évidemment, en être l’auteur.
Recommandations de forme.
Longueur : le texte ne devra pas dépasser 10 pages format A4.
Interligne : Double
La police utilisée devra être, de préférence, en  « Times » en corps 12.
Le titre : il est recommandé de titrer le texte.
Liassage : les pages devront être numérotées et agrafées.
Anonymat : le document ne devra comporter ni nom ni signature. Par contre tout candidat est tenu de joindre à sa nouvelle une feuille séparée mentionnant ses nom, prénom, adresse postale, mail et numéro de téléphone
Attention ! Les tapuscrits ne seront pas retournés,  tout envoi non conforme au règlement sera éliminé.
 Article deuxième : Les prix
Le concours sera doté d’un seul prix de 100.000 F CFA 
Article troisième : Le jury
Le jury sera composé de cinq  personnes choisies parmi des amateurs de littérature et des écrivains ayant déjà publié sous la direction de Bouayom Anderson Djimadoum.
Les décisions du jury seront sans appel.
Article quatrième : Les dates
Ouverture du concours : 24 juillet 2012
Clôture du concours : 20 Octobre 2012
Date de la proclamation des résultats : En novembre dans le cadre des manifestations de N’djam Livre.
Article cinquième : Qui peut participer ?
Est invitée à participer au concours du Prix Ndjékéry de la Nouvelle toute personne francophone résidant au Tchad et des Tchadiens vivant à l’étranger à la condition que la nouvelle présentée n’ait jamais fait l’objet d’une publication, ne fasse l’objet d’une négociation pour publication et n’ait été primée à un autre concours.
 Article sixième : Comment participer ?
La nouvelle, sous pli fermé, doit être déposée aux Editions Sao, au centre Al Mouna, à l’IFT, à Harmonie FM, à la FM Liberté et à la Librairie la Source. Le candidat est tenu de mentionner sur l’enveloppe la mention : « Prix Ndjékéry de la nouvelle ». L’envoi par mail n’est autorisé qu’aux Tchadiens résidant à l’étranger. Il doit se faire  à l’adresse : ndjamconcours@gmail.com  
Article septième : Acceptation du règlement
Toute participation au concours organisé par l’Association Tchad Plus présuppose de la part du candidat une lecture préalable du présent règlement ainsi que l’acceptation sans condition de l’ensemble de ses dispositions.

Pour tout renseignement complémentaire, contacter le 66 38 65 15/66 30 97.

lundi 23 juillet 2012

Une Tchadienne écrit "Lien sacré", publié aux Editions SAO


Il y a des âmes sœurs que le destin unit et que les circonstances de la vie ne peuvent séparer.
« Lien sacré » d’Amina Ramadane est une histoire amoureuse dense et éprouvante qui rappelle qu’aucune relation intime n’est exempte de trahison ni de frustration. Il n’y a que le courage de supporter l’autre et la patience qui réussissent à consolider les liens.
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vendredi 20 juillet 2012

Lettre outre-tombe du martyr tunisien Bouazizi

Les racines du jasmin
(LARING BAOU, N’Djaména – Tchad, 2011 – Nouvelle sélectionnée au Concours Naples Raconte)

Je me suis réveillé ce matin un peu mal à l’aise, une des rares fois avant la sonnerie vocale du muezzin. Son appel à la prière me paraît curieusement agaçant. Il fait froid. Je continue à me recroqueviller sous mon vieux drap. Cet homme de Dieu a mis un frein brutal à ma réflexion. Je cogitais sérieusement… à la vie. Le sens de l’existence commence à m’échapper. Quand les troubles intérieurs s’installent, c’est l’espoir qui s’en va, sans crier gare.
« La prière est plus bénéfique que le sommeil », a répété sept fois le gardien de la mosquée, dans un micro défectueux. C’est d’accord ! Mais moi, le sommeil me permet de récupérer, après une longue journée passée à pousser sur ma charrette de fruits et légumes.
J’ai prié, je ne sais plus combien de fois. J’ai demandé à Dieu de permettre que j’achète une camionnette. Je pourrais ainsi m’épuiser moins. Mon corps et mon esprit seront disposés à lui vouer une adoration tranquille et réfléchie. Cela fait des années que j’attends la réponse : son aide. Peut-être que je me suis mal pris. Peut-être même que je ne sais pas prier.  Ou alors, ma foi n’a pas été ferme. Je reconnais que, parfois, je n’ai pas suffisamment eu confiance en Allah. Je voulais résoudre moi-même mes problèmes, seul, par le travail. Cela n’a pas été possible malgré ma bonne volonté et mon ardeur au boulot. C’est ce que je ne comprends pas du tout. Ne dit-on pas que le travail libère l’homme ? Ma libération par le travail a échoué. Il doit y avoir une cause. Mon grand-père maternel a probablement raison quand il me dit : « Travaille et prie. Prie et travaille. L’une et l’autre action prises séparément ne produisent pas de résultat spectaculaire. Les deux, associées, créent le miracle ». Je désire en vain mon miracle, malheureusement dans la colère. La raison me met en conflit avec la foi.
Aujourd’hui, je n’ai pas le sentiment que ma prière me sera bénéfique. J’ai déjà perdu le sommeil depuis trois heures du matin, à cause d’un rêve. Je ne sais pas quel esprit est entré en moi cette nuit. Mais j’ai rêvé du feu, de l’incendie et du carnage de toute une population. Entre les squelettes calcinés coule un liquide noir, suivant une pente raide. Au bout du canal macabre, au bord d’une mer, attendent des hommes en jeans et en polo, à côté des tankers, l’air impatient. C’est un jeune homme qui était à l’origine de l’incendie. Il s’est fait déchiqueter à partir d’une voiture pleine d’explosifs… Le garçon s’est ainsi immolé en même temps qu’une multitude de personnes. Ce n’est pas l’horreur de l’explosion et de la brûlure qui m’a réveillé. C’est bien plutôt le fait que des êtres humains récupèrent un liquide noir mélangé au sang de leurs semblables. Je me suis réveillé en sursaut, indigné. Mon bâillement à gueule grandement ouverte ne m’a pas du tout tranquillisé.
J’ai envie de démarrer ma journée avec une révolte, d’abord contre le Très-Haut et ensuite contre les hommes. J’ai l’impression qu’ils se sont entendus pour gâter ma vie et celle de ceux qui me ressemblent. Ma patience a atteint ses limites.
Mais il faut tout de même que je me lève de mon grabat. Pourtant, mon corps est lourd. Les courbatures m’assaillent. L’effort de pousser sur mon engin sans moteur a fatigué mes ligaments.
-          Besbouss, qu’as-tu ? Tu n’as pas l’habitude de peser ton lit à cette heure-ci.
C’est ma mère qui exprime ainsi son inquiétude. Elle est une femme de grâce, malgré son âge avancé. Ce ne sont pas les sept accouchements qui l’ont épuisée. C’est la vie qui l’a fatiguée. Elle ne s’inquiète pas seulement de mon état de santé. Elle se préoccupe de l’avenir de la famille. Je suis le seul à assurer notre pitance. Ma charrette et son contenu produisent le salaire unique de mes six frères et sœurs, elle et moi. Nous n’avons plus de terre. La seule parcelle que nous avions a été hypothéquée et saisie. Que vaut un pauvre paysan sans terre ? Moins qu’un mendiant. La précarité m’a bloqué en terminale. Je n’ai donc pas de qualification pour travailler dans un bureau climatisé. Même les plus grands diplômés ont du mal à avoir un emploi convenable.
-          Besbouss, lève-toi. Fais un effort. La fatigue est une maladie qui se soigne facilement. Je te chauffe le reste du repas d’hier. Ton verre de thé t’attend.
Manoubia, ma chère génitrice, sait me remonter le moral. C’est pour cela que je me tue au travail pour elle. Je m’arrache du lit pour maman et non pour la prière. Mes nerfs me lâchent, je titube. Peut-être que la Providence aussi m’abandonne. Je ne lui ai pas servi son adoration matinale.
Ma toilette s’est faite de façon nonchalante. Je clarifie ma voix que l’angoisse a outragée, en toussant. Comme un chanteur devant un micro, je teste une deuxième fois en quatre mots mes cordes vocales. Elles sonnent nasillardes.
-          Aya[1], je suis prêt.
Ma mère me sert comme elle le ferait à un tendre mari. Elle y met l’amour maternel qui me rassure. Je ne cesse pour autant d’être taciturne.
La soupe d’hier, bien que chauffée, est acide. Ma salive est fade. Les deux associés produisent le contraire de l’appétit. Une cuillerée, puis deux autres m’ont suffi. Je n’ai pas réussi à avaler une quatrième. La cuillère et le morceau de pain sec abandonnent mes mains pour se poser sur une vieille assiette. Mes autres frères se contentent du reste du repas. Ils semblent ne pas avoir du goût. Mais la faim, pour qu’elle prenne fin, a besoin d’être feintée.
Je me lève, moins leste que d’ordinaire. Il me semble que quelque chose m’attend. J’en ai un pressentiment assez vague. Mais mon sixième sens me dit qu’il va se passer quelque chose dans ma vie. Pourvu que ce ne soit pas un malheur. Je salue sans enthousiasme maman bien aimée. Chacun des membres de notre famille s’engage dans l’aventure du jour : l’école ou la vadrouille. Mon monde s’arrête au marché. C’est ainsi tous les jours.
Je marche, malheureux. Sidi Bouzid, ma ville natale, que je n’abandonnerai pour rien au monde, est calme ce matin du 17 décembre 2010. Les véhicules qui viennent de Sfax avec diverses marchandises passent à toute allure. Ils m’envoient une vague de vent qui martyrise mon polo blanc et mon jeans délavé. J’ai l’impression de flotter dans l’air. Mes larmes coulent. J’aspire ma morve. Est-ce l’effet du vent, du froid ou de l’émotion ? Je suis incapable de juger mes sentiments. Je commence à ne pas me connaître. C’est un autre moi qui s’exprime en moi.
L’atmosphère brumeuse précipite les passants. Tout le monde presse donc les pas pour se donner de la chaleur. Je maintiens la vitesse d’un promeneur. Mon retard ne sera pas pointé. Je suis mon propre patron. C’est aussi cela le côté honorable de la débrouillardise. Malheureusement, les besoins de ma famille ne me laisse pas me contenter de si peu. L’honneur ne répond pas à l’appel du ventre. Je salue au passage mes compagnons du marché qui s’étonnent de me voir venir en retard à la recherche de mes marchandises. D’habitude, je les devance.
-          Besbouss est moins charmant aujourd’hui. Farida ne lui a peut-être pas souri hier.
Besbouss signifie « celui qui est à croquer de baisers ». C’est ma chère mère qui m’a donné ce surnom. Je l’adore pour cela. Ni Tarek, non prénom de baptême, ni Mohamed qui m’est attribué pour me distinguer d’un homonyme ne vient à ses lèvres. Elle pensait me rendre intelligent et courageux en m’aimant plus que mes autres frères et sœurs. C’est vrai que je me sens beau et aimé. Mais l’élégance d’un homme ne lui rapporte rien. D’ailleurs, mon corps se flétrit. Je n’ai pas les moyens de l’entretenir. Les soucis déciment mes cellules.
Farida, c’est ma fiancée de longue durée. Habib, mon ami, me taquine souvent à son propos. Cette fois-ci, il a mal choisi le moment. Aujourd’hui, je ne suis pas d’humeur à plaisanter. Je lui force un sourire triste. Il abrège la conversation et passe. Il a tout compris. Il me connait.
Notre projet de mariage avec cette fille mignonne suscite des problèmes. Il y a une vingtaine d’années, m’a-t-on raconté, lorsqu’un garçon prétend épouser une fille, on se renseigne sur son origine. Les noms de ses parents et de son village suffisaient. Aujourd’hui, on s’informe sur le lieu du travail des prétendants. En clair, on s’assure des revenus des gendres. J’ai honte de me présenter à mes beaux-parents comme vendeur de légumes. Elle reçoit elle aussi l’interdiction de me fréquenter. Mais l’amour se passe des contraintes. Nous nous retrouvons malgré tout, discrètement et régulièrement.
Les parents de ma dulcinée sont pauvres. Pauvreté plus pauvreté égale misère. C’est ce qu’on raconte à ma charmante. Qu’elle est assez belle pour se donner à un vendeur d’herbes. Il n’y a pas de sot métier, dit-on. Mais il y a des métiers plus honorables que les autres. C’est pourquoi les salaires ne sont pas comparables pour un Président Directeur Général de société et un vendeur ambulant. Il faut être naïf pour croire à ce dicton hypocrite, évoqué pour encourager le bas peuple à rester là où il est.
Ma chère Farida m’aime. C’est pour cela qu’elle me raconte tout ce qu’on lui dit à mon propos pour la décourager. Je l’aime aussi. Mais je n’ai pas les moyens de la prendre en charge en même temps que mes six frères et sœurs et ma mère. Je me suis retrouvé chef de famille qui n’est pas mienne. Ma mère a eu deux maris. Le premier, Taïeb, mon père, lui a laissé trois enfants : mon frère Salem, ma sœur Leila et moi. Le second, le frère de mon père, lui a ajouté quatre autres enfants. Je remplace deux chefs de famille malgré mon jeune âge. Si je prends Farida, je serai triplement responsable de tout ce beau monde. L’idée même me fait trembler. Si je repousse souvent notre projet d’union conjugale, c’est une esquive. Elle le sait. Mais les femmes sont patientes. Sacrées épouses, soyez bénies !
La porte du magasin arrête mon rêve. J’en oublie les détails. Ils sont nombreux. J’en suis tristement riche. Et cela m’embrouille. Le gardien du magasin m’aide à sortir ma charrette. Toutes sortes de détritus colorent notre espace de négoce. Le marché en général semble sale. On le salit au fur et à mesure que les balayeurs le nettoient. C’est notre façon d’animer une rébellion contre l’administration municipale. Malheureusement l’odeur qui en dégage est désagréable pour nous-mêmes.
Non loin de la maison de garde, les grossistes ont débarqué les fruits et légumes, il y a déjà une heure. Les meilleurs tas sont pris. La bousculade se raréfie, les engueulades aussi. On se bat pour des meilleures parts, comme s’il s’agissait des dons de nourriture aux pauvres.
Je me contente de ce qu’il y a. La fraîcheur de la salade, des tomates, des pommes, des betteraves et autres herbes comestibles me congèle les mains. Je sors mes gants et les met négligemment. J’arrange ma marchandise périssable. Pendant ce temps, le soleil se cache derrière les nuages filants. Ceux-ci se croisent, se mélangent ou se dépassent sur des autoroutes célestes, sans accident. Leur paix supérieure provoque un temps doux. J’espère pouvoir vendre la totalité de mes légumes avant la tombée de la nuit.
Je prends l’élan et appuie d’un coup sec sur ma voiture à énergie humaine. Elle bouge dans un grincement sonore. L’huile manque aux roulements, mais je les graisserai demain, peut-être. Le mot « peut-être » ne doit pas être prononcé par un musulman que je suis. C’est « grâce à Dieu » qu’il faut. Mais moi, j’ai perdu la patience. J’entre dans l’incertitude…
L’aventure est un saut dans l’inconnu. Pourtant elle l’est contre la monotonie. La même chose que je connais tous les jours, c’est la misère. Contre elle, les petits remèdes sont inefficaces. Mon droit au bonheur, je veux bien le réclamer autrement. Malheureusement, jusqu’aujourd’hui, je n’en trouve pas le déclic.
Mes pensées alternent avec mes pas. Je ne suis pas encore sorti du marché. J’y tourne en rond. C’est là que les bonnes dames viennent faire des emplettes. Il est neuf heures. C’est une bonne heure. Il est urgent d’attendre.
Une voiture rutilante aux vitres fumées vient stationner. Mes compagnons vendeurs s’activent et hèlent. Une jeune femme descend de la Toyota V8 climatisée. Elle est fraîche comme mes tomates. Sa peau est hydratée. Elle dandine d’élégance. On la sent orgueilleuse. Passant devant moi, elle regarde mes légumes avec dédain. « Tes fruits ne sont pas de bonne qualité », dit-elle à haute voix, comme pour avertir d’autres clientes de m’esquiver. C’est la servante de la femme du gouverneur. Choqué, j’ai eu l’envie de l’insulter, mais je l’ai comprise. Elle ne fait que projeter son humiliation sur moi. Je connais comment on traite les « bonnes à tout faire » ici Sidi Bouzid. Elles subissent en silence l’esclavage moderne. La pauvreté les y contraint. Celle-ci a la chance d’être domestique au gouvernorat. C’est plus de travail, mais cela lui accorde plus d’égards.
Depuis neuf heures que je suis au marché, aucune cliente. Mes légumes absorbent l’eau à n’en point finir. Je les arrose pour les maintenir vigoureux. D’habitude, leur fraîcheur attire les clients. Une femme passe. Je lui souris, en vain. Il est déjà dix heures et ma mère m’attend. Je ne lui ai rien remis ce matin pour notre ration alimentaire.
Rien à faire d’autre. Je décide d’aller m’installer au bord de la grande route. C’est interdit. Mais j’ai beaucoup de chance d’écouler mes marchandises. Les clients pressés ne veulent pas entrer au marché.
Une autre voiture tout aussi luxueuse que la précédente vient garer juste à côté de moi. Les vendeurs ambulants comme moi passent, se parlent et disparaissent. Je m’approche du quadrupède roulant afin de tenter de convaincre une éventuelle cliente qui en sortirait d’acheter avec moi les légumes. Ce sont des policiers qui en descendent. Je fais demi-tour. Ils m’appellent « jeune homme ». Ce n’est pas mon nom, mais je me retourne. On me fait signe de venir. Mon cœur bat. Je n’ai pas les papiers de la mairie. J’exerce dans la clandestinité. L’argent que je gagne ne suffit pas pour payer les nombreuses taxes liées à mon commerce ambulant. Souvent, j’esquive ces agents. Aujourd’hui, je me suis laissé piéger. Ils ont changé de voiture pour me surprendre sur une place interdite en plus.
-          Les papiers de votre charrette, la patente, la taxe de circulation, le permis de commerce… Tout ça, vous les avez, Monsieur ? questionna poliment Fédia Hamdi, une policière bien connue.
C’est une rare et dangereuse courtoisie. Quand on veut tuer sa proie, on l’attire avec les bonnes manières. Au lieu de répondre à la question, j’ai voulu attirer la pitié sur moi. J’ai évoqué ma situation, celle de ma mère et de mes frères et sœurs. Peine perdue. Charrette et légumes arrachés ! Une balance y est. On l’emporte aussi, pour mesurer le poids de ma peine…
Je croise les bras comme un élève poli et les observe. Ils n’ont pas l’air de plaisanter. Je tente une négociation. On me signifie clairement qu’il est inutile négocier avec les paroles. Le fric parle mieux que la bouche. Je sais cela. Je l’ai plusieurs fois fait. Dans de telles circonstances, ce sont des pourboires qui me libèrent de leur harcèlement. Ils aiment que cela soit fait discrètement. Malheureusement, aujourd’hui, c’est difficile pour moi.
Je viens d’arriver au marché. Je n’ai pas d’argent. Même les marchandises, je les ai prises à crédit. C’est après la vente que je rembourserai le capital et emporterai le bénéfice, s’il y en a, pour notre maigre nourriture quotidienne. Je leur propose de me laisser tourner pendant deux heures afin de vendre les végétaux et leur donner ce qu’ils me demandent. C’est à peine qu’ils ont le temps de m’écouter. Un autre véhicule pick-up vient embarquer ma cargaison. Un minable agent au nez tordu me vocifère, avec un sourire moqueur au coin des lèvres :
-          Suis-nous à la mairie.
Je me fais déposer par mon ami Habib à la commune. Son vieux vélomoteur nous fait danser pendant quinze minutes, le temps nécessaire pour parcourir la distance entre le marché et la mairie. Sur la place municipale, les hommes et les femmes bougent dans tous les sens. Chacun court derrière ses problèmes.
J’identifie mes objets et je descends du cheval en fer. Celui-ci continue à pétarader. Sa fumée nous enveloppe. Les nantis nous regardent, sans pitié. Notre monde consomme sa misère. Celle-ci nous consume à petit feu.
Nous sommes trois dans la même situation. J’attends. J’ai affaire aux mêmes agents qui ne comprennent toujours pas mon problème. Ils s’occupent de ceux qui paraissent solvables.
On laisse un de mes compagnons sortir avec sa charrette. Je l’intercepte.
-       Comment as-tu fait ?
-       Quelqu’un a négocié pour moi, par téléphone.
-       N’as-tu pas donné de l’argent ?
-       Pas un seul sou.
-       Mais alors ?
-       Si tu n’as ni argent, ni quelqu’un pour intervenir, tu perds ton temps ici.
En effet, j’ai vraiment perdu du temps. Il est midi. Les légumes sont périssables. Et on les expose au soleil. Je ne connais personne qui soit influent ici à Sidi Bouzid. Mais je n’ai pas le choix de baisser les bras. Ma mère m’a dit que quand on est pauvre, on n’a pas le droit de se décourager. On court le risque de mourir de faim. Quand on est poussé au bord du gouffre, on se retourne et on fait face à l’agresseur. Entre deux morts, il n’y a pas une qui soit meilleure.
Je m’approche de Fédia Hamdi, la policière qui a fait embarquer mes légumes. Elle est une femme. Et les femmes ont du sentiment. Peut-être aura-t-elle pitié ? Je la supplie de permettre que l’objet de ma vie soit restitué. Je lui signifie qu’une femme comme elle, ma mère, souffre de faim en ce moment même à la maison. Elle attend de cette charrette et de son contenu un peu d’argent pour survivre. La policière ajuste sa tenue nouvellement cousue et s’approche de moi avec rage. Elle lève son bras et rate de me gifler.
-          Regarde-moi bien. Tu oses me comparer à ta vieille mère ? Espèce de bâtard.
« Bâtard » est une injure que je ne supporte pas. Cela veut dire que ma mère a été pute. J’ai envie de bondir sur elle et lui arracher les oreilles. Elle n’a qu’à me tuer. Ma souffrance prendra également fin. Je me rends compte qu’elle n’est pas armée. Je cours le risque d’aller en prison. C’est une autre souffrance que je déteste. Tant pis pour tout ! Je décide de rentrer, las et de guerre lasse.
A la maison, ma mère tricote. Mes petits frères sont revenus de l’école. Ils n’ont eu que quelques beignets comme repas de midi. Ma sœur Leila est couchée, ventre contre natte. Une de ses oreilles est tournée vers le haut pour capter un son de vie, une parole qui annonce qu’il y aura à manger aujourd’hui. Elle a faim et tente de dormir sans déjeuner. Leila est belle comme son homonyme Trabelsi, la première dame de notre république policière. Mais elle est infiniment plus pauvre et plus minable qu’elle. De loin, je la vois se retourner. Elle se torture. La fringale malaxe ses boyaux.
J’entre, tête baissée. Ma mère a tout de suite compris mon désarroi.
-          Besbouss, ton malaise s’est-il aggravé ?
-          On a arraché mon étal de légumes.
-          Qui m’a planté ce poignard dans le dos ? J’attends ton bénéfice du jour pour vivre.
Ma mère tremble. Une angoisse mal cachée déforme son visage. Elle fond en larmes. Une crue d’eau envahit mes globes oculaires. Je me retourne et me courbe. Mes narines suintent. Larmes et morve enduisent mes vieilles chaussures. J’en profite pour les nettoyer, une des rares fois, avec mon mouchoir puant la sueur.
Farida, ma fiancée, est là par hasard. Elle passait et, me voyant rentrer plus tôt que d’habitude, me suivit. Elle me salue sans parler. Je baisse toujours ma tête. Ma honte est amère à boire. Je suffoque. La colère m’étreint de ses bras invisibles. Elle pousse mon thorax vers le haut. Je me redresse et regarde au-dessus de ma préférée. Elle n’a pas ma taille. Je l’ai choisie petite pour éviter la rivalité des grandeurs, dans tous les sens. Elle est mon baume de nerf pour soigner les douleurs de ma déception quotidienne. Depuis que j’endure un chômage déguisé. Après treize ans de scolarité, je crève de désespoir. On m’a dit que mon bonheur est à l’école et nulle part ailleurs. J’ai lu et compté en classe. Six ans m’ont trouvé au CM2 pour s’ajouter à mes six autres années de l’enfance immature. J’entre en sixième et travaille en même temps comme maçon et élève pour me prendre en charge. J’ai dû abandonner les études en terminale. Cela s’avérait un luxe pour moi. Je suis né dans le malheur qui me poursuit.
A trois ans déjà, mon père, ouvrier agricole, s’arrange à s’éclipser de la vie, sans prévenir. Un remue-ménage un soir et c’est la mauvaise nouvelle que nous apprenons, ma mère, ma sœur, mon  frère et moi. Enterré à la hâte comme un bon musulman, sans visite de corps, mon père ne s’est pas bien prêté à ma vue pour la dernière fois. J’aurais dû bien l’observer pour garder plus clairement son image. Globalement, il était beau comme je voulais. Je l’admirais de mes petits yeux d’enfant insouciant. Même si je ressemble à ma mère non moins séduisante. J’adore mes parents que la mort sépare ainsi sans querelle. Le marabout, en voulant me consoler, m’a révolté. Ma foi en aura pris un sacré coup, depuis ce jour.
« Dieu a rappelé ton père auprès de lui », m’a-t-il dit après une courte prière. « Ce Dieu qui tue les pères manque de pitié pour les enfants. J’en rage. Où est-il ? Que je le voie pour lui exprimer mon désaveu », ai-je dit, en toute innocence. Le religieux s’en tire offensé de m’entendre ainsi blasphémer. Je n’avais pas conscience du péché. Je n’ai fait qu’exprimer mon indignation de gosse. A cet âge, on ne peut avoir de subtilité dans le langage.
Je m’assieds et je pleure. L’image de mon père me revient en icône. Je mesure mon état d’orphelin. Le soupir de ma mère aggrave ma peine…
Puis, brusquement, je me lève plus vigoureux que jamais. Une énergie subite me ragaillardit. Je balaie tout le monde du regard. Mon interrogation visuelle ne trouve aucune réponse. Mes petits frères s’attendrissent plutôt sur ma mère qui grelotte de douleur. Ma fiancée Farida est assise à même le sol au coin de notre concession, non loin de la porte. De leur source oculaire, les larmes ruissellent sur ses belles joues. Cette triste beauté me révolte.
Toujours couchée sur sa vieille natte, Leila, ma sœur, nous montre son dos. Elle évite ainsi de voir la scène. C’est mieux pour elle. Plus sensible que ma mère, elle pourrait s’évanouir si elle apprend que notre seule ressource est dissoute dans l’injustice.
Rien de ce que mon grand frère Salem entreprend ne marche. Il a honte de lui-même et préfère passer toutes ses journées en dehors de la concession familiale.
Pour moi, l’atmosphère s’assombrit. Tout s’en va. La vie s’éloigne de nous inévitablement. Impossible pour moi de me convaincre que le bonheur arrive au moment où l’on s’apprête à tout lâcher. Je décide donc de tout arrêter. Parce que c’est raisonnablement inutile pour moi d’insister quand la nature, la chance, le hasard, tout refuse de m’accueillir. Plus choquant, celles qui m’aiment peinent pour moi, versant des larmes qui les empêchent de voir le monde. A quoi cela sert-il de partager la souffrance ? Je n’ai plus de joie à offrir.
« J’arrive », dis-je en démarrant vers une direction connue de moi seul. J’interdis de me suivre.
-          Je vais avec toi, crie Farida.
Je lui montre mon poing. Mais elle s’en fout. Je comprends sa détermination. Mon visage lui transmet un message qu’elle redoute. Elle pressent ma perte. Je fais semblant de me calmer pour la mettre en confiance. Mon regard, au lieu de la séduire comme d’habitude, l’intimide. Lorsque je m’approche d’elle, je la vois reculer d’un pas, apeurée.
Je la ramène dans ma chambre pour la première fois, lui parle calmement et lui demande de me chauffer de l’eau. Tout à l’heure je reviendrais me laver. Je ne lui ai jamais demandé ce service avant. Je voudrais lui prouver qu’elle est désormais ma femme.
Le stratagème n’a pas marché. Farida est perspicace d’esprit. Elle est déterminée à m’accompagner là où je veux aller à présent. Dans ce cas, seule la manière forte compte. J’ai pensé l’enfermer dans ma sale case. Mais je crains qu’elle n’ameute mes voisins.
Comble de soulagement, on envoie la chercher. Son petit frère lui dit que sa mère est très fâchée. Ma financée devrait aller au marché. Au début de l’après midi, elle n’est toujours pas revenue. Les gens l’ont vue venir chez moi et ont rapporté. Je la supplie de partir. Ma promesse de la suivre ce soir chez elle sonne faux. Notre liaison est un amour caché. Elle est interdite par mes beaux-parents. Seules les rumeurs en savent quelque chose.
Je redémarre vers mon objectif ultime. Mes enjambées sont les doubles de celles que j’ai exécutées ce matin. La fatigue m’ignore. La sueur m’abandonne. Je ne fais plus attention aux passants qui me regardent de biais, souvent étonnés. Parfois, je trottine. Il faut que j’arrive vite au gouvernorat.
L’immense immeuble flambant neuf du commandant de notre région m’accueille avec tout son luxe insolent. La moitié de sa valeur aurait soulagé nos misères. A l’entrée du Gouvernorat, le drapeau flotte avec une fierté mitigée. Le pays appartient à tous, mais tous ne bénéficient pas de ses richesses. Le mât trône pour ceux qui ont des droits et la misère sévit pour ceux qui ont des devoirs.
J’ai l’impression de traverser une frontière. C’est un autre espace, je dirais un autre pays, que je découvre pour la première fois. Je salue le gardien des lieux et prends un air sérieux.
-          Je veux voir le Gouverneur !
Apparemment j’étonne. Le vigile me toise. Son sourire moqueur est mal dissimulé. Il croit avoir affaire à un dément.
-          Qui es-tu pour voir le Gouverneur et pourquoi ?
Je suis un citoyen de sa région et je veux le voir parce que les agents municipaux ont arraché ma charrette, ma balance, mes fruits et légumes…
-          Tu penses que le Gouverneur doit s’occuper des petits problèmes des simples citoyens ?
-          Il est nommé pour servir tout le monde, non ? Qui sont ceux qui ne sont pas simples et qui méritent d’être citoyens ?
-          Petit, est-ce que tu es normal ?
Sinon, je suis fou. Voilà tout dit. La misère n’est pas loin de la folie. Un simple citoyen n’est pas quelqu’un de normal.
Je parle. Je dénonce l’injustice. Ce n’est plus le moment de se plaindre. Il faut contraindre les méchants à changer. Mes gesticulations dessinent une malédiction pour ceux qui nous gouvernent.
-          Si Dieu est bon, il doit vous punir, vous qui maltraitez les autres, crié-je.
Devant le Gouvernorat. Personne ne doit s’arrêter. Même les animaux doivent passer, pour des raisons de sécurité. Les gens qui font du mal n’ont pas la conscience tranquille. Ils ne se sentent pas en sécurité. C’est pourquoi quand je me mets en face de l’immense immeuble pour discourir, cela inquiète. Je viole le sens interdit. Deux gendarmes sortent du balcon et m’agressent verbalement :
-          Espèce de voyou, dégage !
Le mot « dégage » sonne en écho dans ma tête plusieurs fois. Dois-je dégager de la vie ? J’ai l’impression d’avoir trouvé mon déclic. Dès lors, je n’arrive plus à respirer normalement. Mon cœur est serré. J’ai tenté en vain d’arrêter ma respiration. Je veux m’asphyxier. Mais les soupirs m’en empêchent.
Je reste immobile. Les menaces ne m’effraient plus. Les armes semblent être des bâtons pour moi. Un des gendarmes me bouscule. Je résiste. C’est alors qu’un coup de matraque me lacère le dos. Un léger attroupement se fait. Je domine ma douleur. Mon corps me dit que mon sang circule mal. Une partie de mon liquide précieux imbibe mon polo au niveau de mon omoplate. Je refuse de bouger, alors qu’un tout petit geste de la main éparpille les badauds.
L’un de mes oncles maternels passe par là. Me voyant dans la peine, il me prend par la main et me pose des questions auxquelles je n’arrive pas à répondre. Je suffoque à chaque début de réponse. La seule phrase que je réussis à prononcer, c’est celle de lui dire que j’ai faim. Il me sort quelques pièces de notre monnaie, l’équivalent de trois litres d’essence…
Mon oncle veut que j’aille avec lui à la maison.
-          Je suis assez grand, lui dis-je. Laisse-moi chercher à manger et je te suivrai.
Il s’en va, naïvement. Je le vois s’éloigner avec soulagement. Il allait m’empêcher de poser un acte auquel plus personne ne peut désormais s’opposer. Mon projet est un secret qui se saura fatalement.
Je marche au hasard, les yeux hagards. La faim a asséché mes larmes et ma salive. Mon ventre se contracte. J’étouffe des pleurs. Il me sera difficile de mastiquer un aliment. Aucun restaurant n’attire mon attention. Pourtant, je me sens maigrir et faiblir.
A ma droite, un jeune garçon vend du carburant. Je lui tends mes jetons : « Trois litres d’essence, s’il te plait ». L’enfant me regarde. Je devine sur son visage une question évidente. Où verser l’huile inflammable ? Je n’ai ni engin, ni jerrican. Je supplie le jeune homme de me trouver un bidon. Il me donne le sien et me réclame de le lui ramener.
Armé de trois litres de super et de mon briquet de fumeur occasionnel, je m’engage sur la route du combat contre l’absurdité de la vie.
Mon peuple meurt, faute de courage et de lucidité. Je ne peux pas comprendre qu’un homme seul installé dans un palais douillet puisse dicter sa loi à toute une population sans que celle-ci ne puisse réagir. J’allumerai le feu pour faire bouger mes compatriotes tapis sous l’ombre de l’arbitraire du fils d’Ali. Aux complices qui se plaignent et aux hypocrites qui font semblant de défendre les démunis, j’enverrai un message fort. Mes frères nationaux ont besoin du carburant pour démarrer une révolte contre une administration qui ignore l’existence des pauvres et des opprimés.
Quand je m’approche du gouvernorat. Les gendarmes me surveillent, kalachnikov en bandoulière. Je suis le chien galeux qu’on veut éloigner d’une bonne assemblée d’hommes libres et riches. L’un des bidasses me fait signe de repartir. Le bout du canon m’indique le chemin à suivre, vite. Je reprends mon attitude de révolté. Cette fois-ci toute l’équipe de la garde du gouvernorat est alerté. Les hommes en kaki prennent position comme s’il s’agit d’une tentative de coup d’état. Un temps deux mouvements, je suis entouré. Je suis désormais un ennemi de la Nation. L’ordre est donné de me lyncher à mort.
-          C’est un terroriste ! vocifère l’un des bidasses.
C’est alors que je dégouline le contenu de mon bidon sur moi et j’allume le briquet. Entre les flammes, je les vois fuir. Vigiles, policiers et gendarmes, sans honte, détalent en montrant les griffes de leurs rangers. La porte du gouvernorat ne les suffit plus…
Leur bousculade est un spectacle d’une peur qui change de camp. Je contiens ma douleur à cause de la victoire qui commence. J’aurais pu sourire. Dans leur fuite, les hommes en kaki laissent tomber leurs armes. Contre le feu, leurs armes à feu sont peut-être inefficaces.
Les langues de feu m’entourent. Elles lèchent mon polo et mon jeans. Un vertige insupportable me fait dégringoler. J’entraîne les flammes dans ma chute. Elles m’enveloppent de leur linceul incandescent. Je me retrouve dans un haut fourneau. L’enfer dont on parle, j’y entre de gré. Il est douloureux, mais bref. Il met fin à un autre qui est moins terrible mais long : la misère.
Je n’ai pas senti le secours arriver. Tout le monde a fui. Mes agresseurs et les badauds m’ont tourné  le dos. C’est dans une ambulance que mes yeux s’ouvrent légèrement pour voir que mon corps fume encore. Mes membres sont grillés. Je suis un rôti d’homme que personne ne veut consommer, même pas ceux qui savourent les mets variés du monde avec le bien commun national. J’aurais souhaité que ma vie s’arrête pour de bon et instantanément. Mais j’en suis incapable. La prière que j’ai refusée de faire ce matin me réapparait inconsciemment, sous une autre forme : « Dieu, prends la vie que tu m’as donnée. Elle ne m’a pas servi ».
Le deuxième jour, sur mon lit d’hôpital, je suis les conversations. Il n’y a que mon ouïe qui fonctionne. Mes yeux et ma bouche commencent à pourrir. J’ai fini avec la vie. Je n’attends que la mort qui tarde à venir. Décidément, la souffrance jure de ne pas me lâcher si tôt.
Je suis transporté à l'hôpital local, puis à Sfax, et enfin au Centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous, près de Tunis.
Les infirmières croient me remonter le moral en me racontant gentiment ce qu’a déclenché mon immolation. Ma mère et sa sœur seraient reçues le 28 décembre 2010 par le président Zine el-Abidine Ben Ali, qui aurait limogé le gouverneur de Sidi Bouzid et les agents municipaux qui m’ont humilié]. La policière qui m’a insulté serait mise en détention provisoire sur ordre de Ben Ali lui-même.
Faut-il un acte aussi désespéré pour qu’un Président de la République réagisse alors que tous les jours des voix se levaient pour réclamer justice et liberté ? Comédie humaine, humour sans sourire.
Le 28 décembre, le président Ben Ali se rend à mon chevet. Je n’ai plus d’yeux pour le voir. Je suis un plat rôti à cause de sa folie de grandeur. Un méchoui à ensevelir d’un moment à l’autre. Il devrait bien ajuster son cache-nez et s’embaumer de son parfum au prix d’or. Ma seule force pour l’agresser est mon odeur. [] []
Les derniers mots que j’ai écoutés sont ceux-ci, prononcés par le médecin-chef de l’hôpital où j’agonisais, lisant sur la plaquette accrochée à mon lit d’hôpital, à l’attention du Chef de l’Etat :
                                          Mohamed Bouazizi
Nom de naissance :            Tarek Bouazizi
Surnom :                             Besbouss
Naissance :                                    29 mars 1984 à Sidi Bouzid, Tunisie
Nationalité :                       Tunisienne
Pays de résidence :                         Tunisie
Diplôme :                           Terminale
Profession :                        Vendeur de fruits et légumes ambulant
On m’annonce déjà mort. Les gens sont pressés de me voir mourir pour agir, tant mon acte a bousculé les autorités au plus haut niveau.
Trois journalistes de la Radio France Internationale m’ont aussi rendu visite : Frank Le Nez, François La Nuque et Frédéric Le Canard. A l’évocation de leur nom, j’ai eu le dernier sourire de ma vie.
Le 4 janvier 2011 à Ben Arous, j’entame ma dernière respiration. Mon cœur n’arrive plus à irriguer mon corps. Mes veines sont bouchées. Le feu s’est chargé de les obstruer avec ma chair calcinée. J’expire mes 26 ans de vie de misère sur terre. J’aurais dû ne pas naître.
Sur les cendres de mon incinération poussera le jasmin dont l’odeur se répandra en ondes olfactives et sonores. L’agréable odeur de ses fleurs parfumera la nauséabonde putréfaction de la dictature d’âge révolu. Les racines du jasmin que j’ai planté feront multiplier les fleurs de la paix et de la dignité humaine.
Le printemps commence, celui des terres arables. Chacun a semé de l’espoir à sa manière et récoltera la déception ou la satisfaction selon sa conception de la vie. La volonté des hommes se substituera aux caprices d’un homme. Des hommes fous de grandeur et d’honneur naitront des êtres nouveaux, humains et citoyens. L’invincibilité cesse de suivre son cours à présent. La nature est grande. Les cieux sont lointains, mais ne sont pas encore en feu. C’est sur la terre qu’il y a la flamme que chacun allume à sa guise pour cuire les autres. Qu’ils s’immolent pour en sentir la douleur ceux qui ne supportent pas l’injustice.
Mon idéal visé n’a pas été un rêve fou. Je voulais simplement vivre : manger, boire, dormir, rire et rêver. Ce n’était pas possible. Parce que, de toutes les façons, je devrais crever à cause de l’égoïsme des autres. J’ai voulu montrer l’horreur avec du feu.
Je n’ai pas pensé au sacrifice. J’ai voulu mettre fin à ma vie déjà réduite au néant. J’aurai dû procéder autrement. Mais l’erreur n’annule pas la valeur de l’acte accompli.

Mohamed Bouazizi, citoyen tunisien
Outre-tombe, le 17 décembre 2011,
à l’occasion du 1er anniversaire de mon immolation.


[1] Maman en Arabe.

Les partis politiques au Tchad

Plus de 130 partis politiques sont créés au Tchad dont une centaine est alliée au parti au pouvoir, le MPS (Mouvement Patriotique du Salut). La majorité des leaders de ces partis sont là depuis leur création. La leçon d'alternance doit s'apprendre à la base. On pratique ce qu'on reproche aux autres.
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mercredi 18 juillet 2012

Règlement concours littéraire Ndjékéry

LES PRIX NDJEKERY DU ROMAN ET DES CONTES

Contexte :

Beaucoup de Tchadiens ont écrit, mais ne savent pas à qui s’adresser pour se faire publier.
Les ateliers d’écriture sont souvent occasionnels et les structures permettant aux écrivains d’améliorer leur talent manquent. Il n’y a pas assez de compétition leur permettant de s’affirmer.
Ceux qui publient à l’extérieur ne sont pas beaucoup connus au pays.

Pour répondre à toutes ces préoccupations, encouragées par l’engouement des écrivains en herbe lors du concours précédent, les Editions SAO organisent cette année 2012 deux concours littéraires dénommés Prix Ndjékéry du Roman et Prix Ndjékéry des Contes. Les objectifs de ces deux compétitions sont de :
·     permettre aux écrivains confirmés de s’améliorer et ceux en herbe de s’affirmer ;
·     valoriser le travail d’écriture ;
·     aider ceux qui ont déjà des manuscrits à les arranger ;
·     revaloriser notre littérature ancestrale et originale constituée des contes, des légendes et des proverbes ;
·     rapprocher le public du livre en y attirant son attention.

Comment participer ?

La participation à ces concours est ouverte à tous, amateurs ou écrivains confirmés, pourvu que leurs textes soient conformes aux consignes. Ces deux compétitions s’adressent uniquement aux nationaux vivant au Tchad ou à l’extérieur.

Le roman (ou le recueil de 5 à 15 contes) à présenter doit être, au minimum de quatre vingt (80) pages et au maximum de cent cinquante (150) pages au format A4. Les textes  doivent être saisis et numérotés, avec l’interligne de 1,5 pt. La police d’écriture doit être Times New Roman de taille 12 pt.

Les textes primés antérieurement ne seront pas acceptés. Par contre ceux qui ont participé l’année passée au Concours Nimrod peuvent revenir avec leurs textes améliorés. Ne sont pas concernés par ces concours les livres déjà édités. Les essais, les autobiographies, les pamphlets, les pièces de théâtre, les recueils de poèmes, les nouvelles, etc. ne sont pas acceptés.

Un titre étant obligatoire, l’auteur joindra une fiche de son identité au roman ou au recueil de contes, dans une enveloppe scellée et distincte. Le thème est au choix du participant. Aucun nom ou signe particulier ne doit figurer sur les pages du roman ou du recueil de contes pour garder l’anonymat. Faute de quoi, le candidat sera disqualifié ; ce qui implique le rejet du tapuscrit lors de la présélection par les organisateurs du concours.

Pour ceux qui vivent hors du Tchad, l’envoi électronique est possible aux adresses ci-dessus mentionnées.

Les Prix

Les Prix Ndjékéry du Roman et des Contes récompensera une œuvre littéraire de fiction et un recueil de contes. Les deux lauréats recevront respectivement 300.000 et 200.000 F CFA en plus de la publication aux Editions SAO, de la promotion et de la diffusion de chacune de leur œuvre. Ces prix équivalent aux droits d’auteur pour 500 exemplaires de leur livre. Ils sont en droit de réclamer leurs droits d’auteur en cas de réédition.

Les dix (10) premiers  de chaque prix pourront avoir des lots offerts par nos partenaires (s’il y en a) et une formation sur l’écriture.

Phases du concours

Lancement officiel : Le 15 juin 2012 à 10 heures à la maison des médias (rencontre avec la presse)
-  1er juillet au 30 septembre 2012 : dépôt de textes pour le concours ;
-  03 octobre 2012, réunion du jury et début de lecture des tapuscrits ;
-  05 novembre 2012, délibération ;
-  Remise des prix à l’occasion de Ndjam Livre en novembre 2012.

Le Jury

1-  Dr Ngaoudandé, enseignant-chercheur à l’Université de N’Djaména, Président du Comité de Lecture ;

2-  Renaud DINGUEMNAIAL, écrivain, ex-Directeur Général de la Chambre de Commerce, actuel Secrétaire Général du Conseil National Patronat Tchadien et Secrétaire Exécutif de l’Association des Ecrivains Tchadiens ;

3-  Didier Lalaye, nouvelliste, 4e prix du Jeune Ecrivain Francophone 2004 (Toulouse), 1er Grand Prix Alain Decaux de la Francophonie 2006 (Lille), 1er Grand Prix Universitaire de la Nouvelle du Crouss de Lille 2008.

4-  Anderson Bouayom Djimadoum, écrivain, Entrepreneur Culturel

5-  Arsène Djimingar, écrivain, cadre du Ministère des Finances.


Lieux de dépôt

·        Editions SAO
·        LIBRAIRIE LA SOURCE
·        INSTITUT FRANÇAIS AU TCHAD (IFT)
·        CENTRE AL MOUNA
·        CEFOD
·        FM Liberté
·        Harmonie FM

Le roman est une « œuvre d’imagination en prose dont l’intérêt réside dans la narration d’aventures, l’étude de mœurs ou de caractères, l’analyse de sentiments ou de passions », Larousse.
Le recueil de contes à proposer ne doit pas seulement être un travail de traduction, mais une véritable reformulation littéraire.

                               BONNE CHANCE A TOUS !
Editions SAO
Tel : 66 22 19 93 / 99 97 31 30
            baoularing@gmail.com